L'Encyclopédie sur la mort


Héroïdes : lettres XVIII et XIX (Extraits)

Ovide

Ovide consacre au récit mythique de Léandre et Héro un échange de deux lettres dont la première, écrite par Léandre, a Héro pour destinataire et la seconde, écrite par Héro, s'adresse à Léandre. Les deux jeunes y font part de leur amour et de leur angoisse, de leur désir de se retrouver et de leur attente impatiente de l'apaisement des flots de la mer.



W. Turner, Départ de Héro

ÉPÎTRE XVIII: LÉANDRE À HÉRO

Une mer agitée empêche Léandre de rejoindre Héro. Le jeune homme confie ses sentiments de déception et d'impatience aux feuilles destinées à sa bien-aimée:


«Aussitôt, écrivant ces lignes : "Pars, heureuse lettre, m'écriai-je, elle te tendra bientôt sa belle main ; peut-être aussi te touchera-t-elle du bout de ses lèvres, lorsque sa dent, aussi blanche que la neige, en voudra rompre les liens." Tels sont les mots que je prononce d'un faible son de voix ; le reste, ma main le confia à ces feuilles. Ah ! combien je préférerais, qu'au lieu d'écrire, elle pût nager, et qu'elle aidât, comme auparavant, à me porter sur les ondes ! Elle est sans doute plutôt faite pour battre les flots paisibles ; elle est cependant aussi l'interprète fidèle de mes sentiments.
 Voilà sept nuits, espace plus long pour moi qu'une année, que bouillonnent et mugissent les eaux de la mer agitée.»

Léandre se souvient de ses visites nocturnes , hélas trop brèves, à sa bien-aimée :

«Nous précipitons à l'envi et nous entassons des baisers hâtifs, et nous nous plaignons de la courte durée des nuits. Après ces délais, au triste avertissement de ta nourrice, je quitte la tour, me dirigeant vers le froid rivage. Je m'éloigne en pleurant, et je regagne la mer de la Vierge (164), les regards attachés sur ma maîtresse, aussi longtemps qu'ils peuvent l'apercevoir.
La vérité mérite quelque confiance : si, lorsque je vais vers toi, je suis un nageur, il me semble, quand je reviens, que je suis un naufragé.»

La témérité de l'amour lance à Léandre le défi de se précipiter dans les ondes pour y mourir ou survivre:

«Ou je ne sais pas de quoi est capable un amour téméraire ou il me précipitera en aveugle dans les ondes.
 Et ne crois pas que je m'engage ainsi pour un temps encore éloigné ; je ne tarderai pas à te donner un gage de ma promesse. Que la mer garde son courroux quelques nuits encore, et je tenterai d'en traverser les eaux menaçantes. Alors, ou je vivrai après le succès de mon heureuse audace ou la mort terminera les inquiétudes de mon amour. Puissé-je du moins être poussé près des lieux où tu vis !»

ÉPÎTRE XIX: HÉRO À LÉANDRE

Au coeur de ses angoisses, Héro essaie de chasser ses craintes de ne plus jouir des faveurs amoureuses de Léandre:

«Ou bien que ce soit le vent, ou ton père, mais point une femme, qui cause ce retard ! Si j'apprends que c'en est une, crois moi, je mourrai de douleur. Tu n'as qu'à être coupable, si tu veux mon trépas.
 Mais non, tu ne le seras pas, et de vaines terreurs m'agitent.»

Ayant foi dans des signes favorables, Héro provoque l'audace virile de Léandre, dont elle-même, en tant que femme, ne se sent pas capable:

«Voilà que ma nourrice verse un vin pur sur une flamme propice : "Demain, dit-elle, nous serons un de plus." Et elle a bu. Fais que nous soyons un de plus, en glissant sur les ondes enfin soumises, ô toi ! qui remplis mon cœur tout entier ! Rentre au camp, déserteur des drapeaux de l'Amour avec qui tu sers. Pourquoi mon corps occupe-t-il le milieu de ma couche ? Tu n'as rien à redouter ; Vénus elle-même favorisera ton audace ; et, fille de la mer, elle t'en aplanira les routes. J'ai voulu souvent m'élancer moi-même au sein des ondes ; mais ce détroit est plus sûr pour les hommes. »

Héro regrette son emportement et compte sur la prudence de Léandre dans l'espoir que celui-ci attendra l'heure où la mer aura retrouvé son calme:

«Quel que soit ce présage, je crains ; et toi, ne ris pas de mes songes ; ne te confie qu'à une mer calme. Si tu n'épargnes point tes jours, épargne au moins ceux d'une jeune fille qui t'est chère, et qui ne vivra jamais que si tu vis (178). Cependant les ondes apaisées donnent l'espoir d'une trêve prochaine ; alors ouvre à ta poitrine une route facile et sûre. En attendant, et puisque tu ne peux encore traverser la mer, qu'une lettre vienne calmer les angoisses de l’attente.»

Source: «L'antiquité grecque et latine», http://remacle.org/
Date de création:-1-11-30 | Date de modification:-1-11-30

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