Dans son roman Apprendre à mourir. La Méthode Schopenhauer*, Irvin Yalom est d'avis que Kant* a sous-estimé le corps humain comme source de connaissance. Il admet que Kant a révolutionné la philosophie « en affirmant que nous constituons la réalité plus que nous ne la percevons ». Ainsi, les causes et les effets, l'espace et le temps sont « des constructions mentales et non des entités "données" dans la nature ». Mais Kant n'a pas été assez attentif au corps comme véhicule de nos informations. Grâce à notre corps, objet matériel existant dans l'espace et le temps, nous disposons d'une « connaissance directe, provenant de l'intérieur, issue des sensations » de « notre nature profonde ». (Yalom, o.c., p. 280-285)
« De notre corps, nous tirons une connaissance que nous ne pouvons ni conceptualiser ni communiquer, parce que la plus grande partie de notre vie intérieure nous demeure inconnue. Nous la réprimons, nous l'empêchons d'affleurer la conscience, car connaître notre nature profonde (notre cruauté, notre peur, notre envie, notre désir sexuel, notre agressivité, notre égocentrisme) nous dérangerait à un degré au-delà du supportable (o.c., p. 281) ».
Schopenhauer tira de sa connaissance intérieure du corps la conclusion qu'il « existe en nous et dans toute la nature, une implacable et insatiable force primaire à laquelle il donna le nom de "volonté" » :
« Cet effort qui constitue le centre, l'essence de chaque chose, c'est au fond le même, nous l'avons depuis longtemps reconnu, qui en nous [...] prend le nom de volonté. Est-elle arrêtée par quelque obstacle dressé entre elle et son but du moment : voilà la souffrance (Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, traduction A. Burdeau, Paris, PUF, 1998, p. 391) ».
« Nous sommes implacablement entraînés par la volonté, écrit Yalom, car, une fois un besoin satisfait, il est vite remplacé par un autre besoin, puis encore un autre, et ainsi de suite pendant toute notre vie. Schopenhauer invoque parfois le mythe de la roue d'Ixion, ou celui du supplice de Tantale*, pour décrire le dilemme de l'existence. Ixion était un roi qui, un jour, fut déloyal à Zeus. Ce dernier le punit en l'attachant à une roue enflammée qui tournait sans cesse. Tantale, qui osa défier Zeus, fut puni de son hubris en étant toujours tenté mais jamais satisfait. La vie, pensait Schopenhauer, tourne éternellement autour d'un axe du besoin qui précède la satisfaction de ce même besoin. Tirons-nous quelque plaisir de cette satisfaction? Très brièvement hélas. Car bien vite l'ennui survient et, de nouveau, nous nous remettons en mouvement, cette fois-ci pour échapper à la terreur de l'ennui* (Yalom, o.c., p. 283) ».
Ainsi sont décrites les limites de l'existence, la finitude* de notre vie et l'insatisfaction de notre être jamais achevé, jamais accompli, toujours en quête de satisfaction et propulsé par le désir. Cette inquiétude de l'homme est son tourment. D'où le pessimisme de Schopenhauer qui trouve insupportable la condition humaine :
« Semblables aux moutons qui jouent dans la prairie pendant que, du regard, le boucher fait son choix au milieu du troupeau, nous ne savons pas, dans nos jours heureux, quel désastre le destin nous prépare précisément à cette heure : la maladie, la persécution, la misère, la mutilation, la cécité, la folie et la mort. (Schopenhauer, Pensées et fragments, traduction Jean Bourdeau, Genève, Ressources, 1979, p. 53) ».
Vivre intensément le moment présent en sachant qu'il passe, mais en allant jusqu'au fond de la joie ou de la peine qu'il nous procure. Adviendra un autre instant, inconnu encore ou semblable au précédent, mais accompagné d'un autre ton ou d'un autre son, d'une nouvelle perception et réservant une surprise. Soyons attentifs non seulement au retour du semblable, mais à l'avènement d'une mutation aussi infime qu'elle soit. Même l'ennui nous offre ses nuances, le clair obscur est inépuisable...
Schopenhauer tira de sa connaissance intérieure du corps la conclusion qu'il « existe en nous et dans toute la nature, une implacable et insatiable force primaire à laquelle il donna le nom de "volonté" » :
« Cet effort qui constitue le centre, l'essence de chaque chose, c'est au fond le même, nous l'avons depuis longtemps reconnu, qui en nous [...] prend le nom de volonté. Est-elle arrêtée par quelque obstacle dressé entre elle et son but du moment : voilà la souffrance (Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, traduction A. Burdeau, Paris, PUF, 1998, p. 391) ».
« Nous sommes implacablement entraînés par la volonté, écrit Yalom, car, une fois un besoin satisfait, il est vite remplacé par un autre besoin, puis encore un autre, et ainsi de suite pendant toute notre vie. Schopenhauer invoque parfois le mythe de la roue d'Ixion, ou celui du supplice de Tantale*, pour décrire le dilemme de l'existence. Ixion était un roi qui, un jour, fut déloyal à Zeus. Ce dernier le punit en l'attachant à une roue enflammée qui tournait sans cesse. Tantale, qui osa défier Zeus, fut puni de son hubris en étant toujours tenté mais jamais satisfait. La vie, pensait Schopenhauer, tourne éternellement autour d'un axe du besoin qui précède la satisfaction de ce même besoin. Tirons-nous quelque plaisir de cette satisfaction? Très brièvement hélas. Car bien vite l'ennui survient et, de nouveau, nous nous remettons en mouvement, cette fois-ci pour échapper à la terreur de l'ennui* (Yalom, o.c., p. 283) ».
Ainsi sont décrites les limites de l'existence, la finitude* de notre vie et l'insatisfaction de notre être jamais achevé, jamais accompli, toujours en quête de satisfaction et propulsé par le désir. Cette inquiétude de l'homme est son tourment. D'où le pessimisme de Schopenhauer qui trouve insupportable la condition humaine :
« Semblables aux moutons qui jouent dans la prairie pendant que, du regard, le boucher fait son choix au milieu du troupeau, nous ne savons pas, dans nos jours heureux, quel désastre le destin nous prépare précisément à cette heure : la maladie, la persécution, la misère, la mutilation, la cécité, la folie et la mort. (Schopenhauer, Pensées et fragments, traduction Jean Bourdeau, Genève, Ressources, 1979, p. 53) ».
Vivre intensément le moment présent en sachant qu'il passe, mais en allant jusqu'au fond de la joie ou de la peine qu'il nous procure. Adviendra un autre instant, inconnu encore ou semblable au précédent, mais accompagné d'un autre ton ou d'un autre son, d'une nouvelle perception et réservant une surprise. Soyons attentifs non seulement au retour du semblable, mais à l'avènement d'une mutation aussi infime qu'elle soit. Même l'ennui nous offre ses nuances, le clair obscur est inépuisable...