« Saurait-on dire où se trouvent les sources de Mémoire (Mnémosyne) et de l'Oubli (Léthé) ? » Comme les cascades du Styx* et l'entrée du palais souterrain d'Hadès* et de bien d'autres « portes des enfers » qui « ont donné naissance aux plus mystérieux récits de la mythologie », les sources de Mnémosyne et Léthé « existent vraiment et peuvent encore être approchées. » C'est là sur place qu'Alain Nadaud a mené sa propre enquête. Il nous décrit, avec minutie, son expédition aventureuse pour atteindre ces lieux mythiques. Il appelle aussi à son aide les Anciens Pausanius, Platon*, Virgile*, Plutarque* et les modernes parmi lesquels James Georges Frazer. (Alain Nadaud, « Les sources du Léthé et de Mnémosyne » dans Aux portes des Enfers. Enquête géographique littéraire et historique, Arles, Actes Sud, « Aventure », 2004, p. 47-72 et quatrième page de la couverture.)
C'est sur la route qui, de Thèbes à Delphes, traverse la plaine de Béotie, que se situe l'ancienne Lébadée, aujourd'hui appelée Livadia. « Lébadée, nous dit Pausanias, était autrefois sur une hauteur, et s'appelait Midée, du nom de la mère d'Asplédon. Un Athénien, nommé Lébadée étant venu en cette ville, persuada les habitants de descendre dans la plaine, et leur bâtit une ville à laquelle il donna son nom. Du reste on ne dit point qui était son père, ni pourquoi il était venu dans ce pays. » (o.c., p. 47-48)
[...]
À plusieurs reprises, je croise ou longe la rivière Hercyna, qui bouillonne dans son lit de rochers, entre des rives bordées de maisons à balcons de bois datant de l'époque ottomane. [...] Le plus grand de ces plans d'eau est alimenté par la source Mnémosyne ou « source de Mémoire » (aujourd'hui source Krya) qui s'échappe de l'épaisseur d'une courte falaise [...]. (o.c., p. 48-50)
[...]
Du pied de la montagne à droite, et de l'intérieur d'une petite niche maçonnée, jaillit une seconde source, le Léthé, ou source de l'Oubli. Léthé était la fille d'Eris (la Discorde). Par extension, elle a donné son nom à l'une des plaines des Enfers. Ici c'est la conjonction du Léthé et de Mnémosyne qui, en formant le cours de l'Hercyna, a donné sa célébrité à l'endroit. (o.c., p. 52-53)
C'est l'irremplaçable témoignage [de Pausanius] qui nous permet, entre autres, de connaître la fonction des deux célèbres sources : « Ensuite viennent des prêtres qui vous conduisent auprès de deux fontaines voisines l'une de l'autre. L'une se nomme la fontaine de Léthé, et l'autre la fontaine de Mnémosyne. On vous fait boire d'abord à la première, afin que vous perdiez le souvenir de tout le passé; puis à la seconde, afin que vous puissiez conserver la mémoire de tout ce que vous devez voir ou entendre dans l'autre. »
(o.c., p. 54)
[...]
Dans nombre de descriptions des Enfers, à l'une ou à l'autre de ces sources s'abreuvent les âmes des défunts. Platon, en particulier, rapporte l'expérience vécue par Er, fils d'Arménios, originaire de Pamphylie. [...] « Quand toutes furent de l'autre côté, elles se rendirent dans la plaine de Léthé, par une chaleur terrible qui brûlait et qui suffoquait : car cette plaine est dénuée d'arbres et de tout ce qui pousse sur la terre. Le soir venu, elles campèrent au bord du fleuve Amélès. Chaque âme est obligée de boire une certaine quantité de cette eau, mais celles que ne retient pas la prudence en boivent plus qu'il ne faudrait. En buvant, on perd le souvenir de tout! (La République, livre X, Garnier, p. 380). (Nadaud, o.c., p. 55-56)
Quatre siècles plus tard, Virgile reprendra à son compte le thème de l'oubli de ce qui rattache à la vie terrestre. Lors de sa descente aux Enfers, « Énée voit dans un vallon retiré un bois à l'écart, un hallier tout bruissant d'arbrisseaux, le fleuve Léthé qui coule le long des demeures de paix. (...) Quel est ce fleuve là-bas, quels sont les hommes qui, en si grande foule, ont recouvert les rives? Alors le vénérable Anchise : ce sont les âmes à qui les destins doivent d'autres corps : aux bords des eaux du fleuve Léthé, elles boivent les philtres apaisants, les longs oublis (Virgile, L'Énéide, VI, 703-715). (Nadaud, o.c., p. 56)
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À plusieurs reprises, je croise ou longe la rivière Hercyna, qui bouillonne dans son lit de rochers, entre des rives bordées de maisons à balcons de bois datant de l'époque ottomane. [...] Le plus grand de ces plans d'eau est alimenté par la source Mnémosyne ou « source de Mémoire » (aujourd'hui source Krya) qui s'échappe de l'épaisseur d'une courte falaise [...]. (o.c., p. 48-50)
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Du pied de la montagne à droite, et de l'intérieur d'une petite niche maçonnée, jaillit une seconde source, le Léthé, ou source de l'Oubli. Léthé était la fille d'Eris (la Discorde). Par extension, elle a donné son nom à l'une des plaines des Enfers. Ici c'est la conjonction du Léthé et de Mnémosyne qui, en formant le cours de l'Hercyna, a donné sa célébrité à l'endroit. (o.c., p. 52-53)
C'est l'irremplaçable témoignage [de Pausanius] qui nous permet, entre autres, de connaître la fonction des deux célèbres sources : « Ensuite viennent des prêtres qui vous conduisent auprès de deux fontaines voisines l'une de l'autre. L'une se nomme la fontaine de Léthé, et l'autre la fontaine de Mnémosyne. On vous fait boire d'abord à la première, afin que vous perdiez le souvenir de tout le passé; puis à la seconde, afin que vous puissiez conserver la mémoire de tout ce que vous devez voir ou entendre dans l'autre. »
(o.c., p. 54)
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Dans nombre de descriptions des Enfers, à l'une ou à l'autre de ces sources s'abreuvent les âmes des défunts. Platon, en particulier, rapporte l'expérience vécue par Er, fils d'Arménios, originaire de Pamphylie. [...] « Quand toutes furent de l'autre côté, elles se rendirent dans la plaine de Léthé, par une chaleur terrible qui brûlait et qui suffoquait : car cette plaine est dénuée d'arbres et de tout ce qui pousse sur la terre. Le soir venu, elles campèrent au bord du fleuve Amélès. Chaque âme est obligée de boire une certaine quantité de cette eau, mais celles que ne retient pas la prudence en boivent plus qu'il ne faudrait. En buvant, on perd le souvenir de tout! (La République, livre X, Garnier, p. 380). (Nadaud, o.c., p. 55-56)
Quatre siècles plus tard, Virgile reprendra à son compte le thème de l'oubli de ce qui rattache à la vie terrestre. Lors de sa descente aux Enfers, « Énée voit dans un vallon retiré un bois à l'écart, un hallier tout bruissant d'arbrisseaux, le fleuve Léthé qui coule le long des demeures de paix. (...) Quel est ce fleuve là-bas, quels sont les hommes qui, en si grande foule, ont recouvert les rives? Alors le vénérable Anchise : ce sont les âmes à qui les destins doivent d'autres corps : aux bords des eaux du fleuve Léthé, elles boivent les philtres apaisants, les longs oublis (Virgile, L'Énéide, VI, 703-715). (Nadaud, o.c., p. 56)